En portant plainte devant l’Ordre des médecins, l’association E3M (qui milite pour des vaccins sans aluminium) vient d’obtenir, avec le concours du cabinet d’avocats Alain LEVY et associés, une décision de justice visant à faire appliquer l’article L 4113-13 du code de Santé Publique. Une première dans le domaine des rapports entre professionnels de santé et industrie pharmaceutique.

Par deux décisions rendues le 18 juillet 2022, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins sanctionne d’un avertissement le Professeur Robert COHEN (pédiatre et coordinateur du réseau Infovac) et le Professeur Bruno LINA (chef du laboratoire de virologie du CHU de Lyon) pour ne pas avoir fait état, lors d’interventions dans les médias sur les vaccins à adjuvant aluminique, de leurs liens d’intérêts avec certaines entreprises pharmaceutiques fabriquant ces produits.


La Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins rappelle l’obligation, pour les professions médicales, d’informer le public de leurs liens d’intérêts lors de leurs interventions dans les médias.

Le 17 mai 2022, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins se penchait sur cette question essentielle en démocratie : la déclaration des liens d’intérêts par les leaders d’opinion appartenant aux professions médicales lorsqu’ils interviennent dans les médias. Les Professeurs Robert Cohen et Bruno Lina étaient convoqués en appel devant la juridiction suite à une plainte déposée par l’association E3M le 19 octobre 2017 avec le concours du cabinet d’avocats Alain Levy et associés.

Les décisions ont été rendues le 18 juillet 2022. Le Code de Santé Publique doit être respecté, rappelle la Chambre fort opportunément, et notamment ses articles L 4113-13 et R 4113-110, le premier disposant que “Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et des établissements produisant ou exploitant des produits de santé (…) sont tenus de faire connaître ces liens au public lorsqu’ils s’expriment sur lesdits produits (…) dans la presse écrite ou audiovisuelle”.

Pour ne pas l’avoir fait lors d’interventions à la radio et la télévision, les Pr Cohen et Lina se voient infliger un avertissement : c’est une première dans le droit de la santé et l’application de la législation relative aux liens d’intérêts.

Pour Didier Lambert, Président de l’association E3M :

“Ces liens d’intérêts (de plus en plus présents, l’Etat abandonnant le financement de la recherche à l’industrie) deviennent des conflits d’intérêts lorsque les leaders d’opinion s’expriment sur des sujets d’actualité dans lesquels leurs “partenaires économiques” sont impliqués.

Ces “experts” jouent alors le rôle d’influenceur en mettant en avant leur profession médicale et leur notoriété, ils peuvent ainsi venir au secours d’entreprises accusées de vendre des produits de santé générant des effets indésirables graves, tels que les vaccins contenant un adjuvant aluminique. Un système bien rodé, et des victimes qui se comptent par milliers.

Le Pr Cohen, pédiatre et coordinateur du réseau Infovac, est intervenu sur France Info et RTL le 9 février 2017 pour parler de la vaccination. Alors qu’il récusait tout effet nocif des adjuvants à base d’aluminium, il a “omis” d’informer les auditeurs de ses liens nombreux et aux montants très importants avec l’industrie pharmaceutique produisant des vaccins.

Comme l’a constaté l’association E3M, 200 liens d’intérêts entre l’industrie et le Pr Cohen ont été notifiés de 2012 à 2018 pour un montant total de 57 730 €, ainsi que 60 contrats sans montants déclarés. A cela, il convient d’ajouter l’existence de 58 déclarations de liens entre l’industrie et l’association ACTIV (association créée et dirigée par le Pr Cohen ayant pour objet la formation des professionnels de santé et la recherche, avec le soutien des laboratoires MSD, GSK, Pfizer, Sanofi, CGM) pour un montant total de 748 520 € (dont 601 920 € par Sanofi et 126 600 € par GSK) ainsi que 14 contrats sans montants déclarés (voir note E3M élaborée à partir des données de la base publique Transparence Santé retraitées par Eurosfordocs).

La Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins constate qu’ « en prenant position sur l’innocuité de ces adjuvants, le Dr Cohen doit être regardé comme s’étant exprimé sur des produits de santé exploités par des entreprises avec lesquelles il avait des liens », et en conséquence rappelle que « ces liens auraient dû être portés à la connaissance du public ». La Chambre disciplinaire nationale confirme ainsi l’avertissement infligé au Dr Cohen en première instance le 29 novembre 2018 (voir décision).

Le Pr Lina, chef du laboratoire de virologie du CHU de Lyon, est quant à lui intervenu dans l’émission « C dans l’air » (France 5) le 12 janvier 2017 pour défendre le vaccin Gardasil, mis en cause dans la survenue de graves effets indésirables. Lui non plus ne déclare pas ses liens avec l’industrie pharmaceutique. Ils sont pourtant mentionnés dans sa Déclaration Publique d’Intérêts (DPI 2013). Il est ainsi depuis de nombreuses années Président du Conseil Scientifique du GEIG (Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe), “financé par les 4 laboratoires qui distribuent des vaccins contre la grippe sur le territoire français (Abbott Products SAS, GSK, Novartis Vaccines et Sanofi Pasteur MSD)”, comme l’indiquait leur site Internet… dans son ancienne présentation (voir ici).

“Il lui incombait de mentionner ces liens (…) au début de son intervention”, a rappelé la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, qui annule ainsi la décision de rejet de la plainte d’E3M en première instance et sanctionne le Pr Lina lui aussi d’un avertissement (voir décision).

La loi prévoit que le public est en droit d’être éclairé : qui est réellement l’expert qui s’exprime et quels sont ses liens avec le monde économique et notamment les fabricants des produits sur lesquels il s’exprime ?

“Il y a 10 ans, un rapport de la Chambre des Communes anglaises sur l’industrie pharmaceutique concluait : Elle est maintenant hors de tout contrôle. Ses tentacules s’infiltrent à tous les niveaux. (….) Les leaders d’opinion, clés de voûte de la promotion des médicaments, interviennent en première ligne, avant et après l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments. Ils sont rémunérés pour réaliser les essais cliniques, les valider puis prêcher la bonne parole durant les congrès de spécialistes, dont les déplacements, frais de bouche et hôtels sont pris en charge par les labos, pour eux comme pour leurs confrères présents sur place.” (Reporterre – 2016)

La procédure menée par l’association E3M a permis que le droit soit rappelé, mais ce n’est pas suffisant. Il est indispensable que les journalistes, lors de toute interview ou émission, jouent leur rôle et questionnent systématiquement leurs interlocuteurs sur leurs liens d’intérêts avec le monde économique. Il en va de notre démocratie.


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